Commission d’enquête sur le printemps 2012: le huis-clos est partiellement levé

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À la demande des commissaires, le gouvernement péquiste accepte de lever partiellement le huis-clos qui devait étouffer sa commission d’enquête sur le printemps étudiant de 2012. Avant de commenter la décision en tant que telle, ça vaut la peine de revenir sur l’ensemble de cette saga.

 

L’annonce et ses réactions

Le 8 mai dernier, le ministre de la sécurité publique (c’est-à-dire de la police), Stéphane Bergeron, annonçait la mise sur pied d’une commission d’enquête sur « les manifestations étudiantes » du printemps dernier, présidée par son prédécesseur lui aussi péquiste, Serge Ménard. Une commission d’enquête sur les abus policiers est une demande de longue date de la part de plusieurs mouvements sociaux, dont la Ligue des droits et libertés. Pourtant, loin de combler leurs attentes, l’annonce les a plutôt choqué

C’est que la commission devait fonctionner à huis-clos et ne vise pas à apporter une solution aux problèmes de la répression politique ni de la brutalité et de l’impunité policière, mais bien de « prévenir une telle crise sociale à l’avenir ». Le ministre a bien précisé que la commission ne se préoccuperait donc pas de déontologie policière; elle vise plutôt à identifier les « agitateurs » et d’évaluer les conséquences économiques de la crise. Qui plus est, elle n’aura pas le pouvoir de contraindre les témoins à se présenter devant elle ou à témoigner, comme c’est habituellement le cas avec une commission d’enquête. Bref, un exercice bidon qui cherche surtout à neutraliser la contestation plutôt que de déployer les bases réelles d’un débat démocratique en société.

Presque immédiatement, les syndicats de policiers ont annoncé qu’ils ne participeraient pas à la commission à cause du huis-clos et de son incapacité de contraindre les témoins. Les policiers remettent aussi en cause la neutralité d’une commission présidée par un ancien péquiste et où siège une syndicaliste, Claudette Carbonneau. Enfin, l’ASSÉ vient d’annoncer qu’elle boycotterait elle aussi les travaux de la commission, essentiellement pour les mêmes raisons; sous sa forme actuelle, elle n’est tout simplement pas crédible. Quelques heures plus tard, on apprenait que le gouvernement lèvera partiellement le huis-clos cette semaine par décret, c’est-à-dire qu’il laissera les commissaires décider de ce qui sera public et gardé secret.

 

Une commission bidon

La forme initiale de la commission (à huis-clos et sans pouvoir) rappelle étrangement la commission bidon que Jean Charest avait voulu mettre sur pied pour enquêter sur la corruption en 2011. Après avoir refusé mordicus d’agir publiquement sur la corruption pendant deux ans, il a tenté de s’en tirer en créant une aventure lourdement handicapée au plan juridique, une « patente à gosse », comme l’opposition péquiste la dénonçait alors. Après trois semaines de scandale, les libéraux pliaient sous la pression et accordaient les pleins pouvoir à la commission Charbonneau, qui se déroule en ce moment.

Trois semaines après leur annonce, il semblerait que les péquistes essaient de sauver leur propre patente à gosse en y levant le huis-clos. Mais l’absence de pouvoir juridique de contrainte et, surtout, son mandat régressif et antisocial demeurent. Céderont-ils encore dans quelques semaines si la pression se poursuit? En attendant, la commission sur le printemps étudiant demeure une farce et de la poudre aux yeux, aussi bidon que la Commission de déontologie policière du Québec qui devrait en théorie nous protéger des abus policiers. Mais le gouvernement, rouge ou bleu, a-t-il vraiment envie de donner à la société le moyen de se prémunir contre sa répression? Comme les libéraux de Jean Charest avec la commission Charbonneau, les péquistes de Pauline Marois ne donneront un sens et une utilité réelle à cette commission que sous la pression populaire.

Enfin, et c’est peut-être un détail, mais l’annonce du gouvernement est survenue quelques heures seulement après celle du boycott de la commission par l’ASSÉ. Les péquistes essaieraient-ils de saper la crédibilité du mouvement étudiant, après que Pauline Marois se soit pourtant exhibée avec son carré rouge et sa casserole pour gagner ses élections? Peut-être pas, mais à voir à quel point ce parti est hypocrite, ça ne serait pas surprenant…

 

Par Pascal Lebrun
Pour l’Agence de presse libre de Pointe-Saint-Charles

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