Le 11 janvier dernier, après de longues mais fructueuses pressions, le conseil d’arrondissement Sud-Ouest a voté des modifications importantes à l’entente de développement du 22 octobre 2012 entre la Ville et le Groupe Mach concernant l’ensemble des anciens ateliers ferroviaires du Canadien National (CN).
Les modifications sont :
- Le déplacement de 57 condos permettant d’éviter l’enclavement du Bâtiment 7
- L’achat au coût de 1.7 million$ du lot 5 (voir illustration ci-joint) par la Ville à des fins d’agriculture urbaine (projet nourrir la Pointe) un projet de quartier rattaché à une partie du Bâtiment 7,
- L’ajout de 5 logement sociaux au 210 déjà prévus sur le site résidentiel.
Il n’y en aura pas de construction de condos sur les lots 3 et 4, c’est officiel. Le 7 À NOUS a de ce fait signé une nouvelle victoire dans le parcours qu’il s’est donné. Ce n’est pas rien compte tenu des circonstances. C’est un vrai gain et toute la communauté du B7 ainsi que la population concernée doivent s’en féliciter. La non-construction de 57 condos signifie aujourd’hui la possibilité d’y prévoir un réel désenclavement du Bâtiment 7 pour lui permettre de respirer, d’aménager plus d’espaces de convivialité, de favoriser les rencontres extérieures, d’accueillir de nouveaux projets, mais aussi, de prévoir une accessibilité maximale au site du Bâtiment 7 pour les piétons, les cyclistes et nous l’espérons par transport collectif. Ce gain correspond à la demande que le 7 À NOUS et des groupes communautaires du quartier avaient faite en… 2011, dans la foulée de la lutte pour l’obtention du bâtiment 7, mais que l’arrondissement (politicienn-nes et fonctionnaires) avait refusée. Et oui, pendant que les services municipaux dormaient au gaz (enjeux d’urbanisme et d’accessibilité), des militantEs veillaient au grain.Sans surprise, groupe Mach l’amical voisin et Samcon, développeurs du secteur résidentiel étaient contre toute modification au plan initial adopté par le conseil municipal en octobre 2012. Depuis cette date, l’arrondissement du Sud-Ouest affirmait que ce n’était pas possible d’apporter les changements que le B7 voulait. Bref, il a fallu que le B7 organise et maintienne des pressions.Ce gain, c’est essentiellement aux dépens de l’arrondissement du Sud-Ouest que le 7 À NOUS l’a obtenu, le rapport de force ayant joué à l’avantage du B7. Dans un premier temps, l’arrondissement du Sud-Ouest (sous le leadership des éluEs) a refusé de se laisser convaincre que la demande du B7 était non seulement légitime, mais nécessaire pour assurer un minimum de cohérence en aménagement urbain. Le 7 À NOUS estimait que l’arrondissement avait les moyens et les pouvoirs nécessaires pour réaliser cette demande et avait fait des suggestions en ce sens. Cependant, en demandant à l’arrondissement de trouver une solution le 7 À NOUS a involontairement laissé la balle dans le camp des éluEs. Erreur à éviter. En juin 2019, un an après le début d’une nouvelle ronde de négociation avec le bureau de maire Dorais la situation en était toujours au même point, ça n’avait pas avancé d’un poil. C’est alors qu’il a fallu en urgence envisager des moyens de pression plus directs, afin de forcer l’arrondissement à faire ses devoirs.Le résultat obtenu est un compromis. Il s’agit d’un déplacement des espaces prévus pour des parcs dans l’ensemble du projet immobilier de 925 logements. La victoire du Bâtiment 7 est celle-ci :1. Elle évite l’enclavement du Bâtiment 7 par un mur de condos et ce faisant elle corrige une erreur flagrante de planification urbaine inscrite dans l’accord de développement de 2012,
2. Elle permet d’éviter les frictions permanentes qui auraient eu lieu entre l’activité effervescence autour du Bâtiment 7 et la proximité des futurs habitantEs des condos,
3. Elle permet au 7 À NOUS de mieux planifier les projets à venir et se donner les moyens de résoudre un véritable problème d’accessibilité des personnes qui fréquentent le B7,
4. Elle permet de faire débloquer la construction du logement social prévue dans l’entente de 2012 (215 unités),
5. Elle permet, potentiellement, à la communauté du B7 et celle du quartier de se donner un véritable droit d’usage sur des terrains publics, c’est-à-dire d’éviter que l’administration publique n’impose unilatéralement ses règles d’aménagement et d’utilisation,
6. Elle force les promoteurs immobiliers à réviser leurs projets.Sur le fond, une victoire anticapitaliste a échappé au B7 – Analyse
Cela dit, il aurait été éminemment souhaitable que cette victoire ait été réalisée dans l’objectif d’augmenter l’espace public de l’ensemble du nouveau secteur résidentiel de 925 logements, dont 215 logements sociaux. Dans la philosophie de lutte promue par le 7 À NOUS, c’est au désavantage des capitalistes immobiliers Mach et Samcon, propriétaires des terrains, plutôt qu’aux dépens de l’arrondissement sud-ouest que cela aurait dû être réalisé. Pourquoi ? Parce que dans la mission du B7, il y a l’idée de tracer un chemin vers une sortie du capitalisme. Et cela implique une résistance à la dépossession en vue de la construction du Bien Commun, c’est-à-dire, dans ce cas-ci, élargir les espaces susceptibles de renforcer l’idée du Bien Commun.
Une telle victoire sur le fond aurait pu se réaliser si le 7 À NOUS avait convaincu l’arrondissement et la Ville d’acquérir les lots 3 et 4. D’ailleurs, c’est ce que Mach et Samcon craignaient le plus puisque ça aurait été une perte de profit. L’effet aurait été de réduire la part des condos (appropriation privée du territoire) tout en augmentant la part (l’espace) du territoire à des fins publiques . Ç’aurait été dans la suite logique de l’émergence et de la réussite du Bâtiment 7 depuis 2009 qui lutte contre la « grosse patte » des promoteurs. Rappelons que le projet de Fabrique d’autonomie collective continue de se construire dans un contexte de tension et sur la base d’une lutte de réappropriation collective d’une partie de territoire « arrachée » au groupe Mach. Sans cette volonté et cette bataille, le Bâtiment 7 aurait été démoli (c’est ce que prévoyaient les plans de Mach et Samcon) pour faire place à encore plus de condos. On aura compris que la perte du B7 pour le groupe Mach lui a fait perdre de juteux profits .
L’enjeu du territoire : deux conceptions s’affrontent
Ainsi, sous des apparences relativement calmes dans la mise en place du projet Bâtiment 7, de nombreux intérêts politiques, sociaux et économiques sont toujours en jeu et peuvent générer des tensions importantes. Notre voisin Mach n’a jamais apprécié la présence physique du projet Bâtiment 7 et de ses occupantEs « dans sa cour » et ne se gêne pas pour employer diverses tracasseries administratives lorsqu’il le peut (exemple : après 8 ans de négociation, nous n’avons toujours pas d’entente sur le droit de passage du côté nord, ce qui bloque le 7 À NOUS d’avoir un certificat d’occupation). Toutefois, l’air de rien, une sorte de « modus vivendi » existe entre le 7 À NOUS son voisin Mach, surtout qu’il est sans doute trop occupé sur des projets plus payants ailleurs dans la ville.Bref, pour Mach, le sens de la communauté tel qu’il est imaginé et réfléchi et que l’écosystème du B7 veut le vivre, avec des services collectifs, un retissage communautaire enraciner dans une histoire populaire de quartier et un environnement urbain plus convivial, il s’en contrefout totalement. À moins… qu’il n’y découvre une source potentielle de profit . D’ailleurs, il est facile de présumer (nous le faisons ici) que la recherche du profit maximum est la plus grande, sinon la seule, motivation du groupe Mach dans ce dossier des lots 3 et 4.
L’enjeu du territoire n’est pas une préoccupation pour les promoteurs immobiliers au sens où possédant l’argent, ils se croient tout permis et « toute possession d’un territoire » est en principe à leur portée, à la portée du pouvoir de l’argent. Cet enjeu a une tout autre signification pour le 7 À NOUS, puisque l’appartenance au territoire et son utilisation commune cherchent à « produire un espace de vie collective » se détachant de la pensée libérale et capitaliste pour devenir le Commun. Comme le définit Ugo Mattei dans la lutte contre le Train à grande vitesse de Val de Suse en Italie et que nous partageons : « Un bien commun lie de manière inextricable une subjectivité collective (faite de besoins, de rêves et de désirs) et un lieu physique (le bien commun justement) dans une relation qualitative comparable à celle qui lie un être vivant à son écosystème ».
Cette valorisation du Commun cherche en outre la régénération d’une vie communautaire actuellement bousculée et détruite par l’appropriation privée du territoire à des fins lucratives. Pour implanter et vivre une telle vision du Commun et lui permettre de s’enraciner, le plus important pas est d’éviter d’être à la merci du marché privé, sachant que dans notre système un propriétaire privé peut vendre, revendre ou jouer à la spéculation à sa guise, et ce, même si des lois encadrent la notion de propriété. La propriété collective du 7 À NOUS a permis de sortir partiellement le bâtiment 7 du marché tout en proposant volontairement d’offrir cet espace au service de la collectivité et d’en définir les paramètres et les modalités d’utilisation autour de la notion du Commun.
À priori, le 7 À NOUS devrait poser le même regard sur l’avenir des lots 3 et 4 qu’il l’a fait pour le Bâtiment 7 et autant qu’il doit le faire pour l’avenir du quartier Pointe-Saint-Charles.
Pour une meilleure compréhension de l’enjeu qui nous occupe, soit le retour des lots 3 et 4 dans le giron de « l’espace public », restons sur une image simple de deux conceptions très différentes du LIEN AU TERRITOIRE qui se présentes au 7 À NOUS. La première image est celle des promoteurs immobiliers, vision partagée par la grande partie des éluEs dans notre système. C’est la loi de l’offre et de la demande ainsi que la soi-disant « légitimité » de recherche du profit à court terme. L’immobilier étant une marchandise comme une autre.
Une autre approche, même si elle ne sort pas totalement du cadre capitaliste, est pensée prioritairement en fonction des besoins de la communauté. C’est le 7 À NOUS qui la porte. Y inclure des besoins de la communauté locale confronte la recherche du profit maximal puisque la revendication de ces besoins peut générer l’amputation d’une partie des profits. Si ces deux conceptions se côtoient dans la société, sans apparemment trop de conflits, à de rares occasions elles S’AFFRONTENT. Et lorsque les autorités publiques décident d’exproprier des terrains ou des bâtiments en vue de répondre à la pression sociale, notamment de satisfaire aux besoins en logement social, il s’agit de dénouer l’impasse entre besoins et profits.
L’appropriation du B7 n’a pas eu besoin de l’expropriation officielle des autorités politiques. Elle fut le résultat d’une lutte et d’un rapport de force exercés par des militantEs. Ne soyons pas gênés de dire qu’un groupe de la communauté de Pointe-Saint-Charles a réalisé une « expropriation populaire ». Même en jouant les règles politiques et économiques existantes, l’appropriation du Bâtiment 7 par le 7 À Nous est l’exemple le plus poussé au sein de la société montréalaise puisqu’il a été obtenu « gratuitement » à partir d’une stratégie d’action et de l’imposition d’un rapport de force politique où la négociation fut seulement un élément complémentaire, même si la négociation, en termes d’efforts et de temps consacré, a grugé peut-être 90% des efforts. La négo doit demeurer en appui à une stratégie de rapport de force politique basé sur l’action directe. La puissance du 7 À NOUS devrait viser à ce que nos vis-à-vis en soient conscients de manière permanente que l’action directe est un outil de « persuasion » populaire. Comme n’importe lequel outil, ce dernier doit être entretenu pour bien fonctionner lorsqu’il faut s’en servir. À cet égard le 7 À NOUS l’a échappé belle parce que son outil principal était rouillé lors de cette bataille des lots 3 et 4 pour le désenclavement.
L’utilisation du territoire comme base de résistance
Au-delà d’une perception qui pourrait s’apparenter à une « chicane de clan », il faut regarder cet enjeu de l’utilisation du territoire comme éminemment politique, surtout si on veut lui donner un contenu social, écologique, culturel et économique. Penser que les promoteurs immobiliers Samcon et Mach se foutent totalement de ce qu’il adviendrait une fois que les condos seraient construits sur les lots 3 et 4 est une hypothèse tout à fait plausible. C’est même la normalité du milieu de l’industrie immobilière. Mais c’est une tout autre histoire pour les gens qui auraient décidé de vivre sur les lieux et évidemment pour la communauté du B7 qui se serait retrouvée enclavée.Gênée dans ses projets à venir et obligés de gérer des relations de voisinage problématiques, la communauté du B7 se serait heurtée tous les jours aux conséquences de l’esprit mercantile et d’une planification urbaine à courte vue essentiellement contrôlée par une vision de profit (Samcon) ainsi qu’aux effets d’une vision publique dépassée (arrondissement et Ville) de l’aménagement urbain. Bref, tel qu’on la voit se construire dans Griffintown. On est ici en plein cœur de ce qui devient l’enjeu de l’utilisation du territoire, une préoccupation de plus en plus grande de l’écosystème du Bâtiment 7. Et il se trouve que cette préoccupation cherche à s’incarner dans la formule, pas encore très à point, de Fabrique d’autonomie collective et dans la mission du Bâtiment 7.
GRIFFINTOWN : l’arrondissement et la Ville à la rescousse des grands promoteurs privés
Pour avoir une idée comparative, on n’a qu’à étendre notre regard au-delà du canal, à une échelle un peu plus étendue et sous l’angle de l’embourgeoisement (gentrification), on observe facilement que l’industrie immobilière est le principal moteur de cette appropriation et de cette reconfiguration privée du territoire. S’appuyant exclusivement sur l’activité du marché, la vision de rentabilité dicte les conditions de ce qui doit transformer un milieu de vie. Par exemple, si c’est plus rentable de construire des 31/2 dans des tours de 10-20 étages parce que ça répond à la clientèle disponible la plus solvable et que ça permet de faire plus de profit, c’est ça qui deviendra le « modèle » de l’heure. Griffintown est le triste exemple du nouveau quartier construit et aménagé en fonction du profit et de la consommation du système capitaliste .
Pourtant, depuis des décennies la Ville de Montréal enfume tout le monde avec le développement durable, la ville inclusive, le logement abordable. Eh bien, sur le front logement dans Griffintown, les interventions des autorités municipales n’ont servi la plupart du temps qu’à colmater quelques brèches dans une mer de condos. Il y bien deux coopératives d’habitation de près de 200 logements chacune. Elles ont été construites avec les critères de programmes mal adaptés (absence de salle communautaire et autres équipements collectifs (buanderie, atelier, etc.)), ou adaptées sur le modèle de consommation privée du logement.
Au niveau des infrastructures et voyant le désastre venir, la Ville et l’arrondissement ont racheté à gros prix à des spéculateurs et promoteurs les derniers espaces non construits pour créer un ou deux parcs, deux rues piétonnes, etc. Bref, 300 millions$ de fonds publics pour littéralement réparer une planification urbaine sous le signe de l’industrie immobilière qui, pourtant, emploie une flopée d’urbanistes, d’ingénieurs, d’architectes et de designers urbains (cherchez l’erreur). Les éluEs, en vue de redonner un semblant « de convivialité » à ce quartier tentent de sauver les meubles à coup de dizaines de millions. Les propos du conseiller municipal Craig Sauvé lors du conseil d’arrondissement du Sud-ouest du 15 octobre dernier sont éloquents à ce sujet et nous convainquent, par l’occasion, que les éluEs ont fait le choix politique de privilégier Griffintown au détriment de plusieurs autres secteurs de la ville et du Sud-ouest, dont celui du sud de Pointe-Saint-Charles où se situe le Bâtiment 7.
Dans le cas précis de Griffintown, on comprend mieux que le projet B7 subit indirectement une forme de « concurrence déloyale » (si on veut employer les termes du marché) due aux gigantesques chantiers privés de Griffintown que les autorités politiques montréalaises ont décidé de soutenir. Alors, lorsqu’il s’agit d’acquérir les lots 3 et 4 à l’encontre du plus gros propriétaire immobilier privé du Québec, le 7 ÀNOUS s’est trouvé dans le contexte Griffintown largement désavantagé.
Comme nous le disions, le manque de volonté politique et le fait que nos éluEs considèrent le B7 comme un « projet comme un autre » n’a pas été de nature à faciliter la tâche du 7 ÀNOUS. On voit donc, que le « nouveau territoire urbanisé de Griffintown » abritant d’ici quelques années plus de 20 000 personnes, est consacré à un modèle de consommation individuelle soutenant le « Branding » du Montréal ville internationale et dont les retombées négatives (spéculation, « rénoviction » et autres atteintes directes aux locataires de Pointe-Saint-Charles) se font sentir jusqu’au Bâtiment 7. Peut-on ne pas croire que le territoire n’est pas un enjeu de résistance?
Le 7 ÀNOUS ne fait pas le poids
Imaginez si le 7 À NOUS avait pu « obliger » l’arrondissement et la Ville à acheter les lots 3 et 4 ? C’est-à-dire, obliger les pouvoirs publics (nos éluEs) à restreindre les projets privés de Mach et Samcon au profit d’un potentiel élargissement de l’espace public par une augmentation des espaces verts. Ç’aurait été une avancée politique exceptionnelle dans les circonstances. À l’évidence, notre « puissance collective » (celle anticipée ou celle réelle, on ne le sait plus), sous forme d’un contre-pouvoir, n’a pas été suffisante pour amener l’arrondissement du Sud-ouest et la Ville à considérer notre proposition politique.Il faut dire que cette stratégie de contre-pouvoir et cet outil de persuasion qu’est l’action directe ne sont utilisés que sporadiquement depuis assez longtemps. Nous pouvons sans doute y voir des circonstances atténuantes (manque de forces vives, épuisement militant, etc.). Mais, évitons de se cacher la tête dans le sable : cette notion de contre-pouvoir ne semble pas suffisamment intégrée dans une vision permanente dans la construction de l’alternative B7. Ce qui en fin de compte réduit la portée politique et l’efficacité de cette « arme » que constitue l’action directe. Cela, autant vis-à-vis des pouvoirs qui nous sont plus ou moins hostiles (les intérêts économiques privés) ou même se présentant comme amicaux (les éluEs du Sud-Ouest par exemple).
Un exemple concret pour d’autres luttes
Autre élément à considérer. Dans l’histoire récente des conflits urbains, l’appropriation et la mise en œuvre du projet Bâtiment 7 sont le seul exemple connu où l’outil d’action directe fait partie d’une certaine permanence et continuité . Ainsi, l’achat via l’expropriation par la Ville des lots 3 et 4 aurait pu aider à relancer une sorte de « Front commun solidaire » aux autres groupes et collectifs revendiquant des interventions des pouvoirs publics (Kabane77 et le Champ des possibles, Malting, etc.) en faveur d’espaces publics. Ce qui aurait envoyé un message positif et pu motiver le militantisme local sur l’idée d’appropriation collective du territoire et du Bien commun dans les quartiers.À l’évidence, le 7 À NOUS n’a pas fait le poids face au biais idéologique favorable des éluEs (fragiles au chantage économique) auprès des grands promoteurs immobiliers et à la convergence assumée, mais non dite, des pouvoirs publics et privés (nos éluEs et les promoteurs) en faveur de la notion de propriété privée. Dans son ensemble, le 7 À NOUS a peut-être fait une mauvaise lecture politique sur la réelle portée de son influence sur les éluEs, fragilisant ainsi les possibilités de gains à l’encontre de la logique capitaliste qui nous entoure. Il faut encore nous rappeler et surtout que le 7 ÀNOUS inscrive de manière permanente l’entretien de son outil collectif de l’action directe dans son modèle d’action stratégique.
Quant aux promoteurs immobiliers Samcon et Mach, ils s’en tirent avec les honneurs, même s’ils ont été froissés dans leur orgueil. Leurs profits sont préservés, çà on peut en être sûr et peut-être même augmentés, çà on peut le supposer vu qu’ils ont pu négocier avec l’arrondissement les retards et autres dérangements occasionnés par les contestations du 7 À NOUS. Mais comme tout s’est passé derrière des portes closes…
Le sens de cette victoire du 7 ÀNOUS
Ce fut long et laborieux, mais au total la stratégie générale du cercle développement du B7 d’empêcher l’enclavement a porté fruit. Ce que le 7 ÀNOUS a réussi malgré tout est ceci : forcer l’arrondissement à faire des efforts hors de l’ordinaire pour dénouer l’impasse. C’est-à-dire sortir de son train-train administratif et bureaucratique qui avait été imposé au 7 ÀNOUS de juin 2018 à juin 2019 dans le seul but de résoudre un problème ponctuel d’un débarcadère pour une future garderie.
Il faut se rappeler que lors de la reprise des négos (juin 2018) entre le 7 ÀNOUS et l’arrondissement du Sud-ouest sur les lots 3 et 4, les porte-paroles du maire Benoit Dorais (sa cheffe de cabinet et le directeur de l’urbanisme) se sont présentés avec le mandat de détourner la revendication du 7 ÀNOUS vers l’implantation d’un débarcadère pour le B7 du côté de la rue Sainte-Madeleine. Nos interlocuteurs affirmaient gros comme le bras avant même le début des discussions, « pas question d’acheter les lots 3 et 4 », en assurant le 7 À NOUS que cette position faisait consensus de tous les éluEs du Sud-Ouest.
Stratégiquement, le 7 ÀNOUS n’avait jamais demandé d’acheter ces terrains bien que ce fût le souhait. Sans entrer dans cette discussion, il faut toutefois dire que le 7 À NOUS marchait sur des œufs. En effet, les répercussions potentiellement négatives sur la construction de 210 (215 aujourd’hui) logements sociaux de l’ensemble résidentiel pesaient d’un rapport de force prolongé que les promoteurs du logement social du quartier craignaient. Dans les faits, le 7 ÀNOUS demandait à l’arrondissement et à la Ville de trouver une solution permettant d’éviter la construction de condos sur les lots 3 et 4, ça c’était clair.
Comment interpréter le refus des éluEs du sud-ouest vis-à-vis du projet Bâtiment 7 et de sa revendication de ne pas construire sur les lots 3 et 4 ?
• Ils et elles ont sans doute l’impression qu’illes ont fait les efforts nécessaires pour soutenir le projet Bâtiment 7 depuis tant d’années,
• Ils et elles pensent que le projet Bâtiment 7 est un projet communautaire très pertinent pour la communauté locale et encouragent ses promoteurs à continuer,
• Ils et elles pensent que le « promoteur Bâtiment 7 » est un promoteur au même titre que les autres et qu’il doit tirer son épingle du jeu face à la concurrence du marché,
• Ils et elles croient donc qu’il n’est pas pertinent, pour des questions de « retours sur investissement » insuffisant de fonds publics (calculs actuariels), d’empêcher la réalisation de 57 logements condos sur les lots 3 et 4,
• Ils et elles croient cependant que certains irritants reliés à l’accessibilité et soulevés par le 7 ÀNOUS méritent de trouver une solution (tournebride ou débarcadère) partielle.Action politique à partir du cercle développement
Après un an de négociation en juin 2019, la position des éluEs de l’arrondissement n’avait pas évolué. C’est toujours le débarcadère qui était la seule proposition sur la table. La seule autre concession de l’arrondissement au 7 ÀNOUS, est que le conseil n’avait pas octroyé la demande de permis de construire au groupe Mach, ce qui faisait enrager ce dernier avec une menace de poursuite devant les tribunaux. Mais au total, le message du 7 ÀNOUS n’avait pas passé et le cercle développement du B7 concluait même que le maire Dorais et les éluEs avaient laissé tomber le B7 au profit éventuel des promoteurs immobiliers. Perte d’influence du 7 ÀNOUS sur les éluEs locaux ? Sans doute, surtout que Benoit Dorais semblait contrôler le positionnement politique du conseil d’arrondissement. C’est au cours du mois de mai qu’une décision du cercle développement est pris de se présenter à la séance du conseil d’arrondissement du 10 juin, de faire signer une pétition et installer des banderoles au B7.
En juin et en juillet et en août 2019 (en déployant une banderole), lors des conseils d’arrondissement du Sud-Ouest, le 7 ÀNOUS a posé la question, 2 fois plutôt qu’une : - Est-ce que les éluEs appuient la demande du B7 de ne pas avoir de construction sur les lots 3 et 4 ?
- Unanimement, la réponse fut négative, perpétuant une situation à l’avantage des promoteurs. Ces questions aux éluEs auraient dû sans doute être posées dès juin 2018, au tout début de la négociation. Pourquoi n’ont-elles pas été posées ? En réalité le 7 ÀNOUS a beaucoup trop misé sur la confiance en l’arrondissement pour trouver une solution, ce qu’il n’aurait pas dû faire, « oubliant » que fondamentalement et objectivement la structure politique et administrative municipale n’est pas une alliée de la vision politique du B7. Le 7 ÀNOUS sait ça depuis au moins 2009. C’est comme si le 7 ÀNOUS ne l’avait pas intégré ou bien (mal) estimé le fait que les éluEs ne partagent pas la philosophie politique sous-jacente au projet B7 contenu dans la mission.
Entre temps, et devant l’urgence, le 7 ÀNOUS avait demandé une rencontre avec la mairesse Valérie Plante. Le hic est que le bras droit de la mairesse à l’hôtel de ville est justement Benoit Dorais, le maire de l’arrondissement Sud-Ouest. On peut présumer que ce dernier contrôlait le message auprès de la mairesse. Le 7 ÀNOUS n’a pas pu rencontrer Valérie Plante lorsqu’il s’est présenté à l’Hôtel de Ville le 22 août 2019. C’est la cheffe de cabinet de la mairesse Plante et Benoit Dorais qui étaient là.
La stratégie du 7 ÀNOUS en 2 points :
1. Présenter les effets d’enclavement du B7 s’il y avait la construction de condos.
Une petite diapo diffusée sur les écrans montrant les effets visuels nous a semblé avoir eu un certain effet.
2. Miser sur « l’exceptionnalité » du projet Bâtiment 7 comme projet de « prise en charge citoyenne » du milieu de vie, le tout mis en relief en regard de déclarations récentes de la mairesse Plante (soutenir les citoyens dans la réappropriation de leur milieu de vie).Ça ne les a pas beaucoup chatouillés. À l’évidence et hors de tout doute, Benoit Dorais, principal interlocuteur de la Ville face au 7 ÀNOUS, n’a pas de grandes sensibilités avec la nature « politique » du projet Bâtiment 7, même s’il le comprend très bien. Et comme il contrôle le discours officiel des éluEs (nos éluEs de quartier Sophie Thiébaut et Craig Sauvé sont restées dans le rang et donc se sont tenus à l’écart de la démarche du B7). Il faut dire que le 7 ÀNOUS ne les a pas trop « travaillés sur cet enjeu » alors que Benoit Dorais constituait la vraie barrière idéologique que le 7 ÀNOUS avait à traverser.
D’ailleurs, ce dernier l’a affirmé lors de la rencontre du 22, « je m’attendais à ce que le 7 ÀNOUS arrive avec une solution ». Bien sûr, il voulait une solution pragmatique se situant à l’intérieur des paramètres politiques de l’arrondissement et de la Ville.
3. Évoquer des perturbations sociales potentielles si la construction de condos allait de l’avant.
C’est la seconde fois que le 7 ÀNOUS invoquait des perturbations sociales à venir s’il y avait autorisation de construction de condos.Heureusement, à la toute fin de la rencontre d’une heure et demie, flairant le cul-de-sac, le 7 ÀNOUS a brillamment ramené la proposition du déplacement des parcs prévus pour l’ensemble du futur secteur résidentiel, justement celle que l’arrondissement du Sud-Ouest avait écartée du revers de la main en 2011. Semblant étonné, comme si c’était la première fois qu’il en entendait parler, Benoit Dorais a vu immédiatement dans cette proposition qu’il avait sans doute oubliée, une porte de sortie . Il s’est alors engagé sur le champ à faire travailler les fonctionnaires sur la solution proposée. Nous le savons aujourd’hui, ce fut le moment tournant pour l’évolution du dossier.
Est-ce que les perturbations potentielles ont joué un rôle dans ce changement d’attitude. Il y avait à ce moment-là un fil de tension indéniable autour de la Table. Jusqu’à quel point les éluEs et groupe Mach étaient préoccupés par une confrontation potentielle ? Difficile à évaluer. Mais, il est tout aussi indéniable que la proposition du 7 ÀNOUS faisait débloquer la situation générale sans provoquer de trop fortes perturbations.
Cette proposition du B7 était justement le genre d’action dont le 7 ÀNOUS s’attendait de la part de l’arrondissement en juin 2018. À cet égard, nous pouvons considérer qu’un an plus tard les éluEs du Sud-Ouest avaient failli à la tâche et n’avaient pas joué leur rôle politique sous 2 aspects :
• S’assurer que l’appareil administratif soit à la recherche d’une solution en fonction de la demande du projet Bâtiment 7,
• S’engager politiquement à soutenir et à se battre pour une telle solution (non-construction de condos sur les lots 3 et 4.Les visites du 7 ÀNOUS à l’arrondissement du Sud-Ouest
Très rapidement après le 22 août, le 7 ÀNOUS a su que sa proposition était en négociation sérieuse. D’abord au sein de la ville et ensuite vis-à-vis du groupe Mach. Une rencontre entre Mach et le 7 ÀNOUS en octobre 2019 a confirmé que Mach n’était pas opposé à la proposition du 7 ÀNOUS. Heureusement, le 7 ÀNOUS a continué d’être présent à la période des questions du conseil d’arrondissement. Septembre, octobre et novembre 2019, demande de nouvelles de l’évolution des négos entre l’arrondissement et Mach. Refusant de répondre à quelque question que ce soit, le maire Dorais invoquait le fait que Mach mettrait fin aux négociations si cela sortait en public .D’ailleurs, ces négociations se tenaient entre groupe Mach et l’arrondissement sans que le B7, étroitement concerné par les enjeux, ne soit impliqué. Pourtant, toute décision aurait des influences sur l’évolution des projets du B7. En novembre, au conseil d’arrondissement, le 7 ÀNOUS a exigé formellement une rencontre tripartite afin de pouvoir juger de l’évolution des négos. À défaut de participer directement aux négociations, le 7 ÀNOUS voulait évaluer les points qui s’y négociaient afin de s’assurer que le tout allait dans le sens des intérêts de la communauté du B7 et du quartier. Cette rencontre tripartite d’information B7/Mach/arrondissement s’est tenue le 2 décembre 2019. Elle servit au B7 à confirmer les intentions et orientations en vue d’un règlement visant à enlever les 57 condos prévus sur les lots 3 et 4 et à les disperser ailleurs dans l’ensemble du projet résidentiel de 850 logements.
Quelles leçons le 7 ÀNOUS doit-il tirer de cet épisode de négociation:
• Le 7 ÀNOUS ne peut pas et ne doit pas faire confiance aux institutions du pouvoir politique lorsque les effets prévisibles d’une revendication risquent de perturber les objectifs politiques et/ou économiques dominants.
• Le 7 ÀNOUS ne peut pas remettre sa confiance dans les mains de l’administration de l’arrondissement (les fonctionnaires et le personnel politique). Il doit au contraire constamment les talonner et inscrire une telle activité dans sa stratégie d’intervention permanente,
• Cela démontre que le 7 ÀNOUS n’est pas sur la même longueur d’onde que les éluEs d’un point de vue politique. La mise en place et en action de l’autonomie de la Fabrique d’autonomie collective doit porter continuellement attention au positionnement du B7 en tant qu’acteur politique autonome engagé sur dans un processus de rupture d’avec la logique des pouvoirs politiques et économiques.Conclusion
Depuis les toutes premières incursions du 7 ÀNOUS auprès des éluEs de l’arrondissement sud-ouest en 2009, la leçon fondamentale qu’on peut tirer est celle-ci : la pression, en terme politique qu’on appellera ici le contre-pouvoir, est un ingrédient absolument nécessaire pour faire bouger les choses en faveur de la vision collective du 7 ÀNOUS. Insérer cette vision du contre-pouvoir dans toutes les démarches face à l’extérieur (c’est-à-dire le monde « hostile » qui environne la Fabrique d’autonomie collective.) fait partie du développement d’une pratique politique autonome. Cette philosophie et cette pratique du contre-pouvoir doivent être pensées et appliquées de manière permanente. Cela ne veut absolument pas dire d’être en tout temps « sur la barricade ». La barricade est sans doute la dernière partie d’une stratégie de gradation en termes de rapport de force. Mais il faut que le monde extérieur sente notre résistance à l’intégration.Bien sûr, au-delà de la réflexion théorique il faut toujours considérer que le 7 ÀNOUS a plusieurs « chats à fouetter ». Il doit choisir et doser ses présences selon les circonstances, dont ses propres capacités internes à se mobiliser. Cela apparaît logique, c’est même vital.
Mais, ce dernier épisode de négo/pression avec l’arrondissement nous a montré qu’il faut être plus fin stratège que ce que le 7 ÀNOUS a montré. Dans les faits, l’arrondissement « a profité » de cette absence temporaire de contre-pouvoir (entre juin 2018 et juin 2019) pour « délaisser » son attention envers le B7. Voilà au moins une raison pour que l’aspect politique du projet Bâtiment 7 soit constamment présent dans toutes les communications ou autres négociations du 7 ÀNOUS face à l’arrondissement. Précisément vis-à-vis l’arrondissement et la Ville, cela signifie d’entretenir assidument la petite flamme de l’action politique directe dans « l’esprit » des éluEs. Autrement dit, le discours et les attitudes du B7 dans ses rapports au monde extérieur doivent constamment refléter l’aspect politique du projet B7, c’est-à-dire entretenir l’imaginaire d’une « puissance collective » qui peut agir à tout moment. Avec les années le B7 a accumulé un certain réservoir symbolique de cette puissance. Il s’agit d’un atout indéniable. Mais cet atout se résorbe peu à peu s’il n’est pas entretenu , c’est ce qui semble se produire. Et c’est pour cette raison que nous disons que le 7 À NOUS l’a échappé belle face à l’enclavement.
Il faut que ce réservoir symbolique de puissance collective se consolide à l’intérieur même de l’écosystème du B7, c’est-à-dire nos membres et nos sympathisantEs. Il sera par la suite plus facile à faire rayonner vers l’extérieur.
Le 7 ÀNOUS ne joue pas, comme les puissants promoteurs immobiliers, sur l’effet de l’argent comme puissance et pouvoir (capital de sympathie dans le monde des affaires, campagne de marketing, menace de poursuite devant les tribunaux, etc.). Pour faire plier la Ville selon leurs intérêts qu’il défend la force du 7 ÀNOUS, sa seule force réelle en fait, celle qui peut faire basculer en faveur du projet politique de transformation c’est la mobilisation et l’action politique directe.
Si les éluEs du Sud-Ouest n’ont pas voulu se mouiller en refusant d’appuyer les orientations du 7 ÀNOUS, préférant gérer ce qui est gérable à l’intérieur de la logique du système, c’est qu’illes ne percevaient pas le risque politique d’un refus. En termes de capacités de compréhension des enjeux et de négociation face à nos vis-à-vis, il ne fait aucun doute que les compétences de négociations au sein du B7 sont impressionnantes. Mais aussi fortes soient-elles, elles ne peuvent pas remplacer l’action directe .
En terminant, à défaut de pouvoir célébrer une victoire de nature « anticapitaliste » comme le fut celle du Bâtiment 7, la victoire que le 7 ÀNOUS vient de signer en est une « d’affirmation ». Pourrait-elle se transformer en potentielle « souveraineté collective » à venir sur l’utilisation des espaces publics qui longent le Bâtiment 7 autour de la notion de Bien Commun?
C’est dans la mission implicite du 7 ÀNOUS qui devrait développer un projet d’appropriation d’usages de ces terrains et même des rues qui les entourent. Cela dépasse la seule consultation des citoyens-nes sur l’aménagement du territoire public (parcs, place, rues, trottoirs, etc.). Il s’agit plus de s’ancrer dans une posture de recherche d’autonomie, non seulement pour la Fabrique d’autonomie collective, mais également pour l’avenir du quartier Pointe-Saint-Charles. Couper l’herbe sous le pied aux fonctionnaires municipaux peut être un excellent début.
En attendant, savourons la victoire du 7 ÀNOUS.