Commission d’enquête sur le Printemps érable: les policiers changent d’arguments

Trois jours à peine après que le gouvernement péquiste ait partiellement levé le huis-clos sur sa « patente à gosse », la commission d’enquête sur la crise étudiante de 2012, des policiers ont manifesté à Québec pour dénoncer la tenue d’une enquête et le projet de loi 12, qui prévoit remettre les enquêtes sur les agissements policiers à des civils. On se souviendra pourtant que le huis-clos avait été invoqué publiquement pour justifier le refus des différentes associations policières de participer à la commission. Ce huis-clos maintenant tombé, les policiers changent d’arguments. Au fond, ils ne veulent tout simplement pas que leur travail soit évalué publiquement. On les comprend, puisqu’à avoir posé les mêmes gestes qu’eux au printemps dernier, on aurait peur de passer sous enquête. En fait, on aurait peur à moins… Voyons un peu le fond de l’affaire.

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Alors, que disent maintenant les policiers? Selon le président de l’Association des policiers provinciaux du Québec, Pierre Veilleux, il existe déjà plusieurs instances pour contrôler le travail des policiers, de la commission de déontologie aux enquêtes disciplinaires en passant par celles du coroner. Pourtant, ces processus sont complètement bidon. On n’a qu’à se rappeler le cas de la tristement célèbre Stéphanie « 728 » Trudeau pour réaliser que le code de déontologie policière peut-être pris à la légère tant et aussi longtemps qu’on ne se fait pas filmer. Qui plus est, les enquêtes sur des policiers sont toujours menées par d’autres policiers, avec des résultats probants. Francis Grenier, qu’on voit sur la photo, a perdu l’usage d’un oeil sous l’agression d’un policier lors d’une manifestation parfaitement pacifique. Selon le père de la victime, les enquêteurs qui l’ont rencontré par la suite n’avaient pour seul objectif que de prouver qu’il avait été blessé par une balle de neige. Autrement dit, de rejeter la responsabilité des policiers vers la foule, et blanchir leurs collègues.

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Des membres de la Pointe Libertaire ont déjà porté une plainte en déontologie policière contre le commandant d’alors du poste de quartier 15, Jean-Ernest Célestin. L’un des griefs que nous portions contre lui était que le groupe tactique d’intervention (le SWAT) s’était déployé en armes lors de l’éviction du CSA en 2009 alors que les rapports policiers indiquaient clairement que le groupe était non armé et non violent. La commission n’a pas retenu notre plainte sur cette accusation au motif que le commandant Célestin ne dirigeait pas personnellement les opérations du GTI. À la question de savoir qui était aux commandes, silence, et la commission ne l’a pas forcé à nous le divulguer, peut-être parce qu’elle n’en avait pas le pouvoir. À quoi bon porter plainte dans ces conditions? C’est à la victime de faire enquête elle-même, sans moyens aucuns, et d’identifier son agresseur. Pourtant, je ne nous vois pas nous rendre au poste pour exiger l’information, et encore moins tenter de l’obtenir par la force… Le mandat de perquisition populaire n’existe pas encore.

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Pierre Veilleux a aussi jugé bon de soutenir que les policiers devaient demeurer « apolitiques », que la « sécurité publique » était leur seule préoccupation. Ils ont la mémoire aussi courte que sélective; les manifestations étudiantes au printemps dernier n’ont commencé à résister physiquement aux policiers qu’au mois d’avril, alors que Francis Grenier avait déjà perdu son oeil le 7 mars. On ne sort pas dans la rue à 18 ans avec l’idée en tête d’aller affronter la police. Si les jeunes se sont rendus jusque là en avril l’an passé, c’est qu’ils et elles avaient déjà mangé plusieurs volées pendant les deux premiers mois de la grève, une violence purement politique qui n’était justifiée par aucun geste étudiant.

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Pas surprenant alors que les policiers refusent mordicus que les enquêtes sur leurs agissements soient confiées à des civils ou qu’une commission tente de faire la lumière sur les affrontements de l’an passé; aux vues de leur culture et de leurs pratiques, ils ont vraiment trop à perdre.

Par Pascal Lebrun
Pour l’Agence de presse libre de Pointe-Saint-Charles

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