Turcot: Le 780 Saint-Rémi tombe

Hugo Pilon-Larose, journaliste à La Presse, racontait ce mercredi les derniers moments de la vie à l’intérieur du 780 Saint-Rémi, édifice contenant des lofts, condamné à être démoli par la réfection de l’échangeur Turcot. Si le récit du journaliste est empreint de sensationnalisme « human interest », il n’empêche qu’il souligne plusieurs enjeux réels, pour qui sait lire entre les lignes.

 

780-rue-saint-remi

 

Le logement sacrifié à l’autoroute

Le premier enjeu soulevé est bien entendu celui du sacrifice d’un milieu de vie à l’augmentation du flux de la circulation automobile. Le POPIR – Comité logement avait mené une lutte, permettant de sauver les logements de la rue Caselais, initialement condamnés eux aussi, mais pas l’édifice de la rue Saint-Rémi, qui tombe pour la plus grande gloire du char. Car on nous a présenté le projet comme une simple réfection, des travaux visant à remplacer une infrastructure (prématurément) usée par une nouvelle, plus simple et moins dispendieuse, mais ce n’était que poudre aux yeux. Un coup d’oeil suffit pour s’en rendre compte:

 

Turcot à l’heure actuelle
Turcot actuel

 

Turcot après la « réfection »

Turcot futur

 

Je ne suis pas ingénieur, mais ça me paraît assez évident que la nouvelle infrastructure pourra accueillir plus de véhicules… Quels sont les coûts, quelle est l’ampleur de ce sacrifice?

 

Le logement et la propriété

D’abord, l’article de La Presse nous apprend qu’une personne devant quitter les lieux et qui payait 500$ de loyer par mois devra maintenant en débourser 900 pour son nouvel appartement. Le 780 Saint-Rémi contribuait en effet au parc des trop rares logements abordables à Montréal. En réponse à la lutte pour sauver l’édifice, le Ministère des Transports du Québec (MTQ) a promis un projet de logement social sur la rue Ottawa, mais malgré les années passées, toujours rien. C’est tout le phénomène de l’embourgeoisement, de la spéculation foncière et du grand capitalisme immobilier qui sont devenus la norme depuis bientôt une quinzaine d’années qui transparaît sous la surface de l’article de Pilon-Larose. Au nom du profit, on rend la ville inhabitable pour ses habitant.e.s. Turcot y contribue aujourd’hui en expulsant des gens de chez eux.

 

L’aide gouvernementale qui leur est apportée est de plus dérisoire. Après tout, ce ne sont que des locataires… La sacro-sainte propriété privée doit être compensée lors d’une expropriation, mais à quoi bon lorsque le propriétaire n’habite pas l’endroit? Celui-ci est compensé pour sa perte de profits, mais les gens qui perdent leur logement n’obtiennent que des miettes. Tout pour la propriété, tout par la propriété. On ne peut vivre en sécurité qu’avec elle, mais son principe même la force à une répartition inégale, obligeant par là que certaines personnes n’y aient pas accès. Pour ces gens qui résidaient au 780 Saint-Rémi, ce sont parfois des années d’investissement personnel qui disparaissent en fumée, un investissement qui ne bénéficie d’aucune reconnaissance, puisqu’il ne se compte pas en dollars.

 

L’environnement et la société du char

Les personnes résidant sur la rue Caselais ont plus de chance, mais ce n’est pas dire que leur situation ne se dégrade pas. Regardons encore une fois des images qui parlent d’elles-mêmes:

 

Avant
Turcot 1

 

Après

 

Turcot 2

 

Les logements de la rue Caselais y sont bien identifiés. Doit-on expliquer les conséquences environnementales et de santé publique qu’une autoroute d’une telle ampleur aura sur la population locale? Et malheureusement, ces conséquences se feront sentir beaucoup plus loin. Quelle folie que de faire encore plus de place à l’automobile alors que 1500 personnes meurent chaque année dans la métropole à cause de la pollution atmosphérique, que le réseau routier y est déjà surchargé, qu’on passe présentement le pic pétrolier, que la société capitaliste fonce toujours plus vite dans le mur…

 

Encore une fois, les victimes s’accumulent sur l’autel du dieu profit. La solution et l’appel restent le même: il faut changer de société, et il faut le faire nous-mêmes; compter sur des élu.e.s, partis, bureaucrates ou autres élites, c’est se résigner à attendre jusqu’aux calendes grecques.

 

Par Pascal Lebrun

Pour l’Agence de presse libre de Pointe-Saint-Charles

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